Les vieux, quand ils deviennent malades, fous, et qu’ils déclinent, ça fait flipper. Comme on n’a pas pris le temps de réfléchir aux solutions, on n’anticipe rien, et on les enferme, comme tout ce qui dérange un peu : les fous, les handicapés, les asociaux, les repris de justice… Pour leur bien.
On les enferme, ou on essaie de contrôler tout ce qu’ils font pour les protéger d’eux-mêmes ; parce qu’ils foutent le feu, oublient le gaz, se cassent la gueule, n’arrivent plus à communiquer très bien, ne ressemblent plus à ce qu’ils étaient, alors on flippe. On leur enlève tout des mains, parce qu’on n’a pas le temps, parce qu’on n’a pas la patience, parce que c’est chiant de répéter dix fois et d’aller à leur rythme d’escargot. Ils s’emmerdent mais ça nous rassure.
Le problème c’est que malgré le pognon que ça coûte, ils sont pas forcément mieux. Les institutions fonctionnent mal avec des gens payés au lance-pierre peu empathiques, des journées militaires, sans douche faute de temps, sans protections faute de ? on se demande bien quoi… alors bien sûr c’est moins pire que d’abandonner pépé sur sa chaise roulante dans la grange à bétail, mais sérieux, quand t’as jamais aimé la collectivité, te retrouver d’un coup avec des tas de vieux que tu connais pas, et/ou que t’aimes pas, te retrouver obligé d’attendre que quelqu’un veuille bien t’emmener boire un coup en ville, faire une balade aller au magasin avec ton argent… Même quand ils sont à domicile, leur emploi du temps est soumis aux rendez-vous médicaux divers, et à des habitudes horaires millimétrées censés les maintenir dans une forme relative, qui rassure les proches. Les vieux des pauvres qui restent en famille faute de moyen, s’en sortent peut être un peu mieux, si toute la famille se relaie, et que c’est pas uniquement la belle-fille agacée qui se tape tout. Ou bien ils terminent dans l’étable ou le cagibi.
Quand t’as été indépendant, autonome, voir anti-social, quand t’as milité pour la liberté, te retrouver cornaqué sans autre avenir possible que celui d’attendre la mort, -qui peut en plus mettre un certain temps- peut-être que t’aurais préféré mourir avant avec le gaz ouvert. C’est le cas dans Vortex, le film de Gaspard Noé qui traite du problème d’Azheimer, et curieusement, c’est pas triste, au moins ça respecte le choix de la personne. Mon vieux voisin breton qui se baladait à poil dans son jardin, et mangeait approximativement dans la nuit, et qui risquait de casser la gueule dans l’escalier, ou d’aller en mer se noyer n’a pas eu cette chance : un jour, on l’a emmené, on a tué ses 27 chats et il a terminé salement en EHPAD pas cher.
Alors vu le tas de vieux à venir qui va bientôt nous submerger, on devrait un peu plus réfléchir à des alternatives qui correspondraient un peu mieux aux vieux idéalistes qui le sont restés, et de leur envisager une fin de vie un peu plus rock and roll. J’ai des tas d’idées.