BFM le retour

Voilà nous y sommes : dans une semaine les « un an de Bataclan » hommages et commémorations à la con, les journaleux accourent. Des polonais, des danois, des belges, (à qui j’ai dit je suis pas là) « sur comment que ça va bien depuis un an ? » et Bfm le retour « vous allez à la commémoration ? ». Alors non hein…
Les journalistes de BFM veulent absolument savoir si je peux expliquer pourquoi j’y vais pas . J’y vois une occase de discuter politique, je prépare une argumentation (genre j’ai fait une dissert chez moi avant) et là j’espère encore naïvement que mes arguments seront relayés.
Arrive le jour J, déjà, je dis « on va dans un parc », j’ai pas envie de réveiller mes gosses exprès (c’est le dernier jour de vacances) et j’ai pas envie que la France entière sache ce que je lis, voit mes disques et mes films, c’est un peu intrusif sinon… (va-z-y filme donc dans mon frigo).
Bon au parc de choisy Yes ! je vais en profiter pour parler de la BD de Fred et de mon mini-book, et du morceau de Niko…
Du coup nous voici sur un banc, et j’attaque à la première question « alors eh ben c’est quoi qui fait que vous ne voulez pas aller à cette commémoration ? »
Attention dissert ! je l’avais presque par coeur.

« Le président va venir en personne mettre une plaque des fleurs un discours avec un air circonstancié, ça ne fera pas revenir les morts, je ne veux pas participer à cette mise en scène symbolique et artificielle …
Les commémorations sont inutiles, d’ailleurs comment on les choisit ? il faut hiérarchiser ? et avec pour ce dont je me rappelle, la rue des Rosiers, la rue de Rennes, Orly, St Michel, Merah-Toulouse, Charlie,le 13 novembre, Nice etc… plus tout ce qui va arriver, on va devoir choisir, sinon, on va commémorer chaque jour. Donc on hiérarchise comment ?

Les commémorations sont hypocrites : le président vient de commémorer un camp de rétention pétainiste pour gens du voyage, et là on fait quoi avec nos migrants sans papiers ? on les met dans des centres de rétention… c’est pas grave, on commémorera la barbarie dans 50 ans.
On pourrait peut-être regarder autour de nous, au lieu de focaliser sur les attentats de la France, (même si c’est vrai y’en a eu pas mal ces temps-ci), les pays comme la Syrie l’Irak la Lybie –mais on dit que ce n’est pas un pays en guerre- le Sahel, des attentats ils en subissent tous les jours, mais ça n’empêche pas que l’Europe est incapable d’ accueillir les réfugiés.
Pourtant on peut bien penser qu’il y a un vague lien entre les attentats ici et les guerres là bas, on pourrait être plus solidaires, au lieu de se regarder le nombril.
Bon allez on fera une commémoration dans 50 ans pour dire qu’on a été vraiment merdique. On mettra une plaque pour tous les morts en méditerranée entre 2000 et 2020.
Et puis les commémorations n’ont pas le même sens pour tout le monde, 8 mai 45 par exemple, armistice ici, massacres de Sétif et Guelma en Algérie.Doit-on continuer de se réjouir d’une date qui a fait plus de 4000 morts en quelques jours dans un pays gouverné à l’époque par l’administration française ?
Comme unique réponse du gouvernement aux attentats, de la répression, de l’état d’urgence, des places de prisons, des plaques commémoratives… pas plus d’éducation populaire remises dans les quartiers pour reprendre le terrain aux confessions, pas plus de profs, d’éducateurs de rue, de police de proximité, de politique de la ville. Rien.
Et on a vu avec Nice que l’état d’urgence, les fouilles de sac, les déclarations de guerre ne servent à rien.
On doit vivre : Par respect de ceux qui n’ont pas eu cette chance, on a pas le droit de se laisser aller à l’angoisse et à l’inaction.On doit arrêter de pleurer sur notre sort de victime.
Alors au lieu d’être replongés sans arrêt sur cette sordide journée, (d’ailleurs c’est la dernière fois que je réponds aux journalistes à ce sujet), on va vivre puisqu’on a eu la chance de s’en sortir. On va aller aux concerts, d’ailleurs j’ai pas traîné, une semaine après j’ai vu Mass Hystéria, un mois après Periphery, deux mois après Sidi Bémol, le Download, las manifs en bain de foule, comme une sorte de thérapie… récemment au concert d’Ali Amran, un ampli a claqué, y’a que moi dans la salle qui ai eu un sursaut je pense, tout le monde a continué à danser tranquillou. C’est dire si les gens sont prêts à vivre et à profiter le plus souvent du moment présent. »
Si j’étais morte ce soir là, je serai morte heureuse parce que le concert était vraiment bien et je suis sortie en vie sans m’être rendue compte du danger. »

Alors la journaliste m’a demandé d’être plus concise –moins politique- et de revenir surtout sur mes sentiments « on va refaire quelques prises, est ce que je n’y vais pas par peur d’être confrontée au malheur des autres qui n’ont pas eu ma chance, par peur de ne pas être à ma place ? » SIGH. J’avais répondu un truc malin argumenté, et là je sais plus quoi raconter.
J’ai dit « je ne veux pas être dans ce pathos artificiel, je pense que les gens qui perdu des leurs ne sont pas tristes juste le 13 novembre, mais chaque jour à chaque moment de la vie qui leur rappelle cette personne ; on a tous des morts dans nos connaissances, on sait bien comment c’est dur ».Un truc bidon quoi.
Ensuite elle a fait des images de moi sur un banc avec mon petit bouquin, et elle m’a dit « très bien ». J’ai pensé à ma dissert… et à ma phrase bidon de la fin… J’ai failli pleurer -de rage- ça aurait fait des belles images en plus. Je pense que BFM va diffuser mas mains, un plan sur le bouquin, et ma dernière phrase.
Y’aura ptêt des bouts de ma dissert très largement coupés. On parie ? ça passe le 13 novembre (évidemment).

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