Hier encore, un berbère récalcitrant m’annonce qu’il a été très mal reçu au consulat d’Algérie, où il devait faire des papiers, et me dit « c’est les arabes ! »
Je m’interroge, les berbères ne sont-ils pas mélangés depuis des siècles avec les arabes , dont ils ont hérité de la langue, de la religion, des prénoms, de la culture, du couscous et du chaabi (une bien jolie musique) ?
Je vais aujourd’hui à la rencontre du professeur I. Szlapedt, que nous n’avions pas vu depuis avant le confinement 1, et qui va nous éclairer un peu sur le sujet, puisqu’il est presque omniscient.
Choddar : « Bonjour Professeur Szlapedt, ça fait un bail ! »
I. Szlapedt : « ahlàlà m’en parlez pas, on peut plus rien faire. Bon, qu’est-ce-qui vous amène ? »*
C : « Ah c’est une question au sujet de l’arabisation des berbères, on n’y comprend rien et les farouches kabyles répètent en boucle qu’ils n’aiment pas les arabes, alors qu’ils s’appellent Mohamed »
Sz : « ah oui, c’est vrai que curieusement et alors qu’ils ont connu des vagues successives d’étrangers envahisseurs, ils focalisent sur les arabes, leurs meilleurs ennemis , je veux bien vous raconter un peu mais c’est long, il faut pour cela remonter au prophète Mahomet et à sa nouvelle religion ».
C « allons-y professeur, avec le couvre-feu, et vu qu’on est qu’à l’apéro, j’ai toute la nuit, éclairez-moi sur ce charabia »
Sz : « … Mahomet qui avait tout pour que ça aille dans la vie, (une femme riche commerçante et intelligente, des biens, une grande maison à la Mekke, une vie au soleil) a commencé à faire des retraites pieuses pour s’occuper; un jour il a pris un coup de chaud au Mont Hira , à 300 mètres d’altitude en plein cagnard, -ça cogne dans son coin, 40 degrés c’est les jours de frais-…bref, il s’est autoproclamé prophète et a commencé à aller ennuyer les riches marchands, ses congénères, avec des histoires de Dieu et de jugement dernier. (les juifs et les chrétiens prêchaient déjà quelque chose de très semblable).
Alors les riches marchands n’ont pas trouvé ça très amusant, et lui ont suggéré fortement d’aller prêcher plus loin avec ses disciples moralisateurs, qui cassaient les statuettes des idôles et leur interdisaient de remercier le soleil… à Médine par exemple, Yathrib d’abord à 350 km au Nord.
Du coup, le voici dépossédé de tout, sa femme est morte en plus, alors bon, il n’a plus rien à perdre et renoue avec les anciennes coutumes locales tribales : pillages et partage du butin.
Au début, un pieux partage équitable entre musulmans (ses disciples), comme ça c’est plus facile de récupérer du monde, puis comme ça marche bien, il se souvient que quand même, il est le chef et s’octroie 50 % du butin. »
C : « ouh là, professeur, heureusement que c’est vous qui le dites, la fatwa vous pend au nez ! »
SZ : Oh ! Si vous saviez, je n’ai pas la prétention d’être Voltaire Darwin ou Galilée, moi je ie ne cite que les faits, que vous pouvez d’ailleurs trouver dans l’excellent ouvrage de référence « l’expansion musulmane VII XIème siècle » de Robert Mantran.
Mais je m’égare, c’est pour donner une idée de la ferveur et de la puissance des conquérants, pour expliquer comment l’expansion musulmane est si aisée.
Ses fidèles s’enrichissent et sont convaincus d’être dans le droit chemin, puisque Dieu les encourage en ce sens, alors ils ont des ailes et vont très loin, très vite ; si bien qu’à la mort de Mahomet, une grande partie de l’Arabie est déjà convertie.
Ses successeurs (les 4 premiers califes puis les Omeyyades) vont en un siècle (en 750 c’est fait) convertir les populations, installer des militaires issus des terres conquises, et un florissant commerce à l’est : de Samarkand, jusqu’au fleuve Indus, la Méditerranée, la Sicile, Malte, et à l’Ouest toute la côte méditerranéenne de l’Afrique du Nord, puis l’Espagne, jusque Poitiers (rappelez vous la leçon d’histoire en CM1 « Charles Martel stoppe les arabes à Poitiers en 732 »). «
C : « mais les gens ont laissé faire ?, ils se sont un peu révoltés non ? »
Sz : « Oui des résistances sont bien connues, des chefs guerriers locaux berbères, Koceila, la Kahina, mais bon, finalement la plupart de la population s’est ralliée de gré ou de force au gouverneur local musulman, installé par le califat de Mo’awiya premier calife Omeyyade.
Et c’est Tariq ibn Ziyad un vrai berbère, qui a été poussé avec ses troupes (affamées) à s’installer en Espagne. (c’est parce qu’il s’appelle Tariq que le détroit s’appelle Gibraltar, de l’arabe Djebel Tariq la montagne de Tariq». c’est vrai que côté Maroc c’est de l’à-pic dans la mer.
Donc en fait les arabes d’Espagne, c’est des berbères aussi pour moitié. »
C : « Professeur, vous êtes en train de me dire qu’ils s’étaient déjà mélangés ? »
Sz : « on peut dire ça comme ça, un peu comme les gallo-romains, ou tout empire qui se respecte, il faut faire adhérer les locaux au projet, et pour ça, leur donner ce qu’il faut, nommer des gouverneurs et des militaires, et respecter les savants et les rites coutumiers, que les néo-convertis ont bien intégrés dans leur nouvelle religion. »
C : « ok Igor, mais vous ne me dites pas pourquoi ils ne veulent vraiment pas être arabes, puisqu’à l’époque finalement c’était pas si mal »
Sz : « c’est que de l’eau a coulé sous les ponts, après ça, ils ont eu des dynasties berbères venues du Sud, les Almoravides puis les Almohades, qui étaient de sacrés emmerdeurs, venus du Sahara. Ils trouvaient que l’Islam devait être encore plus ascétique, on ne rigolait plus du tout. Et ils ont régné sur le Maghreb et l’Espagne deux siècles en bataillant pour récupérer des territoires un peu partout, aux berbères bien installés. Qui vivaient « à l’arabe », dans les villes riches, construites auparavant : Fes, Tanger Tlemcen, Oran Alger…et même en Andalousie, Saragosse Cordoue, les Almoravides, puis les Almohades, sont entrés par les armes, en cassant tout ce qui est considéré trop riche, prêchant un ascétisme chiant.
Il n’y a qu’à voir ce qu’ils ont laissé : Marrakech par exemple, des fortifications en terre battue, c’est quand même moins classe, que le faste des villes arabo-berbères avec leurs arabesques et leurs vitraux colorés… »
C : » ah ça je vous l’accorde. Mais donc, c’était berbères contre berbères ? Vous êtes en train de me dire qu’ils n’étaient pas unis dans la fraternité et contre l’ennemi ? »
Sz : «en quelque sorte, des tribus sédentaires ou non, des montagnards, des sahariens, tout les opposait, et il y avait des butins en jeu, voire des terres, car certains nomades devaient être fatigués de traverser le désert, et sans doute qu’à l’occasion d’une razzia, et puisque le prophète lui même avait pratiqué en son temps le pillage… »
C » Oh ! Professeur ! La fatwa attention, paraît même qu’ils ont remis au goût du jour la décapitation ! »
Sz : » ouioui, mais je ne fais que relayer des propos existants, il faut lire Marçais « la berbérie musulmane au moyen-âge », Ibn Khaldoun « le livre des exemple » et vous verrez, je n’invente rien du tout.
Bon finalement le califat Fatimide d’Egypte agacé par les bagarres locales des royaumes rivaux, a envoyé une tribu pénible et pillarde, 10 000 des Banu Hilal en 1050, sur les plaines de la Tripolitaine et de la Tunisie actuelle pour calmer tout le monde.
Effectivement, ces tribus pillardes venues du Hedjaz, ont ravagé tout sur leur passage, et se sont très bien mélangées aux berbères nomades qui vivaient un peu comme eux. Puis, elles ont fait des incursions ensemble, parlaient la même langue, et certaines se sont sédentarisées dans les villes et dans la basse montagne.
C : « Et donc l’Unité berbère ? Ça n’a pas marché non plus contre les Hilaliens ? »
Sz : « Les berbères n’ont jamais fait « qu’Un » les berbères c’est une mosaïque de peuples qui ne vivent pas pareil du tout, selon qu’ils sont à la mer à la montagne ou dans le désert, leurs langues se ressemblent très fortement, mais voyez, dans toute l’histoire de l’humanité, les gens préfèrent voir leurs différences que leurs ressemblances. »
C : « Bon mais alors ensuite, c’était le défilé, les Ottomans trois siècles les Français un siècle…comment la haine s’est focalisée sur les arabes alors que les français n’ont pas fait dans la dentelle non plus ? »
Sz : « Je pense que cette haine de l’arabe, vient de la très récente imposition de « l’arabo-musulman » par les indépendances du panarabisme et gouvernements militaires. (là, il faut lire « l’arabe du futur » de Riad Sattouf).
Le FLN a imposé en Algérie dès le départ (1962/77 surtout) une religion d’état l’islam, ce qui a plutôt bien marché puisque la majorité de la population était déjà musulmane, et une langue d’état l’arabe, qui a été malheureusement très mal enseignée, par des professeurs brutaux importés d’Égypte et de Syrie.
Jusque là les envahisseurs composaient avec les différences, l’important c’était de s’enrichir et les notables locaux étaient toujours bien respectés. Et puis là, à l’Indépendance, c’était des locaux berbères arabisés de longue date, qui avaient le pouvoir.
En oubliant de reconnaître les différentes composantes linguistiques et cultu(r)elles du pays, les arabisants au pouvoir ont oublié que pour régner en paix, il faut pouvoir s’appuyer sur les différents peuples surtout s’ils sont nobles et respectées par la plèbe.
Les arabes du Moyen-âge avaient respecté et intégré -souvent- les autres cultures, même les juifs les chrétiens, les peuples et leurs langues. »
C : « ah merci Professeur, nous voilà bien éclairés sur la question, je vais à l’avenir pouvoir proposer votre prose aux berbères énervés qui ignorent cette partie de l’histoire.
Et sinon la question du jour, j’ai appris que Baragouin venait du breton, bretons, qui, pendant la guerre 14 demandaient du bar et du gouin’ du vin et du pain.
Alors Charabia, ne viendrait-il pas de l’arabe charab, vin ?
Sz : « ah possible, mais le vin n’est-il pas proscrit chez les musulmans ? … ah peut être les coptes utilisent-ils le vin à des fins religieuses…je réfléchirai à la question. »
Carte expansion musulmane vers 750
