Avec mon pote on fait un groupe
Jean, quand on avait 17 balais m’avait dit « tiens attrappe une basse c’est pas dur tu verras, pis j’ai besoin d’une basse ». Oui c’est pas dur si tu veux faire blam blam, la basse du rock c’est même facile. (on est loin du hautbois ou de la harpe) ; alors je taffe un été et je m’achète une basse dans mes prix, ma mère a mis au bout pour l’ampli Torque 50 watts, c’était super. A 17 ans on a fait du jazzrock, pour commencer, ça c’est pas trop simple, sauf que bon comme on jouait mal, du coup ça simplifiait bien. On s’appelait Karisma, une idée à la con de Jean. On allaitrépéter dans une ancienne bergerie chez Stéph’ le batteur qui habitait dans la montagne avec ses parents babas cools, et les parents de Jean nous trimballaient tous les weeks ends et on faisait n’importe quoi. Y’avait aussi David au saxo, et plus tard y’a eu Carole au synthé qui plus charmante que musicienne, nourrissait les espoirs sexuels de mes comparses. Jean quand on est tous partis du bled pour aller faire des études, il a continué sérieusement ça ailleurs avec des gens (pas trop marrants, rockeurs de conservatoire), pendant que je cherchais sérieusement à me stariser à Paris avec des gens très sérieux aussi, version rauque pas très roll. Puis il est venu à Paris six ans plus tard pasqu’il en avait marre de pas se marrer avec ses potes « lecteurs », fins amateurs de Wayne Shorter et de festivals impossibles, genre Jazz à Vienne. C’est arrivé à un moment où je me lassais de plans looses comme se faire jeter d’un groupe qui vient d’être signé, par deux tocards sans oreilles. Et du coup on a fait WALOU ensemble.
Qui reste à ce jour la chose la plus aboutie que j’ai faite avec un groupe de potes.
Le retour aux sources la funk le punk
Alors du coup on a fait de la funk rock parce que le son nous plaisait et on swinguait métallique quand même. On aimait bien comment nos morceaux sonnaient et on a fini par être assez convaincants en concert parce qu’on en faisait plein. Voir liste affligeante*. Un soir on a fait un concert pas mal au Blues Heures –une salle mythique du 18ème qui n’existe malheureusement plus- à l’occasion d’un millième tremplin celui-ci organisé par la RATP (on aurait du se méfier). On nous a dit à la fin « vous avez gagné mais vous êtes trop au dessus du lot alors vous perdez parce que vous n’avez pas besoin de nous pour écrabouiller FFF » ; eh ben on était verts on avait perdu des tas de fois parce qu’on était pas assez bons, et là on perdait parce qu’on était trop forts et que c’était pas fairplay. Et on a jamais écrabouillé FFF, et ça c’est dommage parce que Marco Prince m’énerve vachement.
Sarcelles
Niko faisait son objection dans le son, il enregistrait et était au service de tous les branleurs potes du ministère amer et autres branquignoles du rap et du rock local qui se contentaient de jouer les stars, de faire pisser leurs clebs sur le matos, d’insulter et de foutre la pression à Niko ; du coup on a rentabilisé les efforts de Niko et ceux des contribuables de Sarcelles en enregistrant gratos la première maquette de Walou, la nuit à la sauvette. Toutes les confessions venaient profiter du studio, dont des chrétiens celestes pieds-nus en train d’invoquer le seigneur ; le MC se mettait à trembler de tous ses membres et à répéter 100 fois dans une transe collective « Béni soit le Seigneur Alleluïa », (niko s’enfermait dans la cabine d’enregistrement). Des familles de musiciens Klezmer de père en fils qui faisaient un orchestre complet, ont également profité du studio en bas du foyer, et plein d’autres curiosités locales ont fait la richesse de l’endroit, dont le précieux Azdine, qui traînait au studio tous les jours et cherchait l’artiste de demain, en prétendant devenir son manager.
Les concerts :
Tous plus pourris les uns que les autres, les gars qui nous faisaient venir n’étaient pas franchement honnêtes ; et pourtant on a jamais foutu le feu on a jamais menacé ni tapé, ni défoncé le bar. On aurait du, j’ai des regrets. A la place on a écumé les salles parisiennes et les plans tremplins docilement en sachant qu’il y’avait une chance sur deux qu’on se fasse niquer. Premier plan « le baltard » bar à putes de la rue St Denis, t’enlèves le L t’as le nom du patron ; y’avait un rasta super mou qui faisait plus ou moins le son entre deux joints bien chargés ; on devait avoir des sous, pas beaucoup mais des sous, et nous et Laurent on picolait un peu, normal, sauf que le mec a dit au moment de donner les sous (ça devait être 300 balles pour 4) « ah non votre pote là, il a bu pour 300 balles, même, vous me devez des sous. » Des plans comme ça y’en a eu presque tout le temps, au point que concert rimait avec galère. Le Wigwam d’étampes, me faisait triper à mort : c’était l’époque des fêtes sauvages clandestines dans les bois où si t’as pas le phone, tu trouves jamais. C’était très excitant, y’avait du monde partout ; sauf qu’on a joué super tard devant une foule défoncée qui dormait déjà. A la flèche d’or, je pouvais déjà pas blairer le programmateur, hyper agressif et franchement soupe au lait ; l’unique lien avec la musique qui l’intéressait était la dope qui coule à flot et les business faciles qu’on peut faire. Il était le genre de gars avec qui t’as rendez vous trente fois pour fixer une date et qui finit par te faire jouer dans le coin sombre au fond à droite. Mais bon y’avait du monde de la bière et de la thune alors…le rocker est faible. Et quand on a joué chez mes cousins à Vitry le François, on a fait ça avec un lecteur CD qui lisait les plans batterie, parce que le batteur venait de nous planter avant hier. Le CD n’a pas sauté une seule fois et on a bien rigolé. Une fois on a joué devant personne. Zéro. C’est très douloureux. Y’avait un truc local très important du genre feu d’artifice et on devait jouer dans la salle des fêtes d’un hameau de campagne de 500 habitants. Au Gibus des golden boys avaient flairé le plan pour raquetter les groupes ; dans le cadre d’un tremplin européen « Emergenza » qui se voulait très Hype, ils promettaient aux apprentis rockeurs la gloire d’une scène à Londres –au moins pour un soir- Et pour être surs de pas y laisser de plumes ; ils faisaient vendre les places par le groupe ; donc du point de vue du groupe, tu vends des places chères (c’était au moins 50 balles) à tes potes, plus t’en vends plus t’es sélectionné pour l’étape d’après ; et tu recommences ; sauf que tes potes ils viennent te voir une fois par an à ce prix là parce que ça les vaut pas, et tu sais que si ta prestation vaut vraiment 50 balles, ben t’as plus besoin de tremplin. Une autre fois on a joué au plan d’eau de Veynes et le mec voulait plus nous payer au moment de payer ; pourtant on avait avoiné deux heures la veille, y’avait du monde content qui buvait plus que de raison, eh ben le gars, il voulait nous payer en pédalo.
Heureusement y’a eu des fois ou c’était bien, on s’en étonnait : Azdine nous avait incrusté dans un plan à Sarcelles, où on a joué devant une salle pleine avec toutes les bonnes conditions pour devenir des stars, le son, la scène, des gens (somme toute, les ingrédients sine qua non pour appeler un concert un concert).
Ca a frité un peu entre les lascars dehors mais sans plus, et c’était une chouette scène. On a aussi joué à la MJC de Fresnes –le cylindre collé à la prison- y’avait une vraie scène, ça change, on avait invité un pote à raper sur la fin du show, c’était un bon moment ; mais les gens sont flippés une rumeur de baston s’est insinuée et il a fallu pas traîner après le concert . Une fois on est allés au ski et au resto et on a fait un concert en station qui a rassemblé tout un tas de gens qui s’emmerdent dans ces contrées enneigées, c’était bien.
La bouteille à Laurent -Supelec style
Un soir on a fait un tremplin à Supelec dans le campus d’Orsay inaccessible directement en RER, avec deux trois groupes « présélectionnés »…les organisateurs étaient assez bien élevés et faisaient de grands efforts aussi bruyants qu’inefficaces pour éviter d’avoir l’air dépassés par les événements ; or, ils avaient prévus des loges qui servaient également à entreposer les alcools. ERREUR ERREUR ! Evidemment tout le monde s’est servi sauf nous parce qu’on est bien élevés aussi ; mais, après le concert, on devait attendre un baltringue de l’organisation pour qu’il nous ramène sur Paris ; en bons loosers on avait pas de bagnole. Alors il fallait attendre que le public et tous les groupes se barrent, nous abandonnant à notre sort. Pour s’occuper on a pas mal bu à nos frais parce qu’on avait plus de « tickets conso », et Laurent a fini par faire comme les autres, taper dans la caverne d’Ali Baba.
Et comme le stock était fort bien entamé, on s’est dit que ça ferait pas de mal, et on s’est siroté un peu de Bacardi dans les loges-bars. On a entendu que c’était l’instant du dernier coup de balai, et on est sorti goguenards et un peu raides des loges. Laurent a raconté une histoire idiote de plus, avec grands mouvements de bras à l’appui et plak une bouteille a glissé de sa manche et s’est fracassée dans un grand bruit aux pieds de l’organisateur. GgguIlk, il a bredouillé un truc incompréhensible et nous on est partis rigoler plus loin, et le gars a commencé à dire que puisque c’est comme ça il n’allait pas nous ramener à Paris ; ce qu’il a quand même fait en faisant la gueule tout le long du trajet. Et en nous faisant payer la bouteille, ayant gardé Laurent en otage.
Avec le recul je me dis qu’on aurait du le terroriser.
Le concert-dancing -Cherbourg style-
Un soir avec Walou on a joué à Cherbourg. Déjà pour aller à Cherbourg en J9 -matos oblige-, c’est l’aventure ; et avec Laurent, c’est l’aventure encore plus. On avait rencart à dix heures et à dix heures moins le quart, Mr Lo appelle car « il vient de se réveiller » et donc c’est « mieux si on vient le chercher chez lui » ; une fois en bas de chez lui, « il faut boire un café » et il faut aussi passer au Libertyrockstudio –là où on répète- pour chercher des trucs de batterie de Laurent qu’il avait pas pris la veille, pour une obscure raison.
Donc finalement il est onze heures et on est pas encore sur la nationale…on se perd un peu, on se passe la carte, on finit par s’ y engager pour s’en dégager une demie heure plus tard car tout le monde est affamé. Chouette un macdo, donc concours de cheese pour ces crétins de Lo et Niko qui se sont gavés comme des porcs. Et après on a roulé des plombes en se tenant le ventre.
On est arrivés éreintés sur le coup de 19h pour rencontrer le gars du casino de Cherbourg. On va au casino « pour voir » d’où on se fait sortir très vite pour cause de baskets et casquettes. Voilà le boss du resto d’à côté, du bowling, des bars, de la boîte, bref, c’est « le parrain ».Très sympa le parrain local, il nous accueille et nous propose de nous restaurer (gratos ? ben oui tout ce qu’on veut hein ??? pas l’éternel sandwiche rance et la bière tiède faisandée).On s’est regavé avec des assiettes américaines des frites maisons, des desserts très bons, des bières pour gonfler, du vin pour rire… et après ça on s’installe pour jouer…dans un dancing pour vieilles dames en manque d’affection. Y’a un DJ qui parle plus vite que Twista et Busta Rhymes réunis, et qui nazille comme Claude François qui aurait une sinusite. On comprend rien à ce qu’il raconte dans le micro mais on finit par percuter qu’on doit se mettre à jouer. La salle est désespérément vide ; y doit y’avoir 30 dames assises sagement qui attendent la soirée disco qui suit le concert.
Mais c’est pas grave on est des pros (ah ah ah ) alors on enchaîne comme des fous et entre chaque morceau « clapclapclapclap » suivi d’un silence pesant. Bref on termine le show, on enchaîne, on se déchaîne, et on encaisse (3000 francs Madame ! le plus gros cachet de Walou à ce jour) et on repart difficilement pour 9h de route dans une nuit d’encre.