C’est la dernière semaine, celle où les certitudes s’effondrent, celle où de splendides plaidoiries de défense nous bouleversent, celle où on finit par se demander si c’était bien nécessaire un tel boucan.
Lundi 20/6/22 Oussama Krayem j’arrive en retard, ses avocates ont déjà fait le nécessaire afin de le renvoyer vers la cour belge, si j’ai bien compris. Il traînait à schipol avec Ayari, ça n’a pas grand-chose à voir avec paris 13/11 … Je traîne dans la salle des pas perdus, de repos des victimes, et j’entends des parties civiles râler «… oh ben ils se plaignent en plus, ils ont le sport, la télé et tout ce qu(ils veulent en prison ». Je me demande si, avant chaque tribunal, on ne devrait pas inviter les parties civiles à visiter les geôles de Fresnes, de le santé, de Fleury…et peut être même leur montrer une cellule d’isolement.
Yacine Atar est défendu par Maître Saint-Palais (classe le nom !) Qui demande l’acquittement pour le simple frère d’un chef de l’État islamique, ce qui est la principale cause d’incarcération. « S’il parle trop, il noie le poisson, s’il se trompe, il ment, s’il se tait, c’est irrespectueux» commence Maître saint-Palais. Atar, c’est celui qui a la poisse d’être le frère d’Oussama, cadre de l’état islamique, et le cousin des Bakhraoui, explosés à Zaventem. « on lui reproche un message d’Oussama, qui le « remercie de tout ce que tu as fait pour moi », le voici en prison depuis 6 ans et 3 mois, il risque 9 ans, et il cherche toujours depuis, dans ses sms, ce qui a pu le conduire là » Yacine Atar, c’est le super bavard qui parle tout le temps, son avocat dit (je note presque en sténo mais des fois c’est pas exactement ça) « on le quittait des parloirs, on arrivait sur le parking de la prison, saoulé saoulé saoulé, de paroles, car voici un garçon qui se débat depuis 6 ans, qui a confiance en la justice, écoutez, ce n’est pas tous les jours… » « La mission de la justice anti-terrorriste, c’est de juger un crime d’ampleur… on va les juger disent les politiques, mais, les assassins sont morts.
On ne peut pas rester sans réponse, mais ils sont morts ; vu l’ampleur du procès, on a lu beaucoup de communication, il faut des coupables, des complices, même s’ils n’ont pas mis un pied sur le sol français, -comme krayem-, c’est de l’impressionisme judiciaire, on a rien pu prouver de son implication… cet homme là, âgé de 24 ans, part en 2010 en Irak et cherche son frère malade, il est soutenu par amnesty international, les ambassades, il n’est pas du tout question de complaisance avec le terrorisme. Son frère revient d’Irak puis repart en Syrie, en aout 2015, ça fait deux ans qu’il ‘a pas de nouvelles, Yacine le cherche pour qu’il donne des nouvelles à leur mère… vérifiable dans des sms à sa sœur) ; lorsqu’il est en prison, son frère et s mère donnent le prénom Oussama au fils de Yacine Atar ; (ce fait lui est beaucoup reproché) … il a été choisi pour aller voir Bakkali, car justement il n’est pas surveillé du tout ; son cousin Ibrahim Bakhraoui -proche malheureusement- le remercie par ce texto « je te remercie de tout ce que tu as fait pour moi », ce sms a été gardé dans son téléphine, si ça avait présenté le moindre danger, il l’aurait effacé non ? » … un texto de Bakhraoui à la cellule, montre qu’il n’avait pas confiance en lui : il dit de lui que c’est un feu follet, qu’il est partout, ne le présente pas du tout comme une recrue de choix, au final si on cherche bien -et depuis 6 an on ne fait que ça- il n’y a rien pas d’ADN dans les appartements, rien, au sujet des armes, ni des réunions préparatives., par conséquent, l’acquittement ne serait pas de trop. » On passe à l’autre avocat, Maître Kempf Il insiste sur les légèretés de l’enquête : de la nitro dans les cheveux, un taux extrêmement faible, et surtout rien sur les mains. un boîtier qui traîne chez lui (pas explosif) la clé usb contenant des anashids ( ? de mariage) et une clé d’une cache, mais en fait finalement non, elle n’ouvre pas la porte suspecte. On a aussi confondu la kounya Abu Ahmad, d’Oussama (son frère) et lui. Ennuyeux, vu qu’Oussama est cadre de l’état islamique, ça peut avoir de fâcheuses conséquences. Bref, que des trucs qui tiennent pas la route ; on commence à se poser des questions sur les enquêtes, qui pourtant m’avaient eu l’air assez complètes en septembre, après le passage de Madame Panou, juge belge, et des agents responsables des enquêtes françaises. Et là, Madame Panou l’a fait enfermer pour ce motif : « … au vu des éléments de téléphonie, il est raisonnable d’imaginer que Bakhraoui s’est rendu chez vous. »
Et là, à quelques jours de la fin, on doute, on se demande si on peut enfermer quelqu’un sur une intuition, un imaginaire, une impression. Maître Kempf poursuit : « il est aussi question de le faire participer à la réunion de préparation du 10 novembre, or on a les preuves qu’à ce moment là il est très occupé, on a les sms, les témoins, sport, garde d’enfant, préparation d’un voyage en Thaïlande, fuite de plomberie etc, comment il va caser, ‘ah j’ai réunion terros !’ » « …Yacine Atar par son assiduité à la recherche de preuves, a été le meilleur collaborateur du cabinet. » « …Yacine Atar a été mis à l’isolement et a subi les fouilles à nu, ça veut dire qu’on fouille l’intérieur de tes fesses, à chaque fois, à chaque parloir qu’on a eus, mais enfin, nous sommes ses avocats ! » « …Ce doit être un procès exemplaire, faisons en sorte, d’avoir une enquête aboutie, et comme on ne sait pas trop de quoi mon client est accusé, abandonnez toutes les charges ; il n’existe pas de liens, nous demandons l’acquittement, on ne peut pas punir le fait qu’on a pas vu et qu’on aurait du voir, qu’on a pas entendu et qu’on aurait du entendre, »
Mardi 21/6/22 Mohamed Bakkali (Karkach a des chemises flamboyantes, jaune hier, vert aujourd’hui). C’est Maître Rezlan qui commence : « Vous avez une obligation de résultat de ce giga procès, c’est une réponse à la « guerre » contre le terrorisme, , une peine d’état, spécifique est requise. Monsieur Bakkali a exercé son droit au silence, ce n’est pas favorable pour lui, il inspire la méfiance, exacerbée par les fantasmes ; on dit de lui qu’il fait des calculs usé de stratégie, personne ne l’a cru dans l’affaire du Thalys il a été lourdement condamné (pour avoir véhiculé le terroriste du train à la gare), et ainsi, il ne veut plus parler. Il reconnaît les fait pour de la contrefaçon et des affaires avec Bakhraoui, il refuse les accointances qu’on lui prête dans les attentats déjoués de Verviers, il reconnaît avoir loué des appartements, mais pas en connaissance de cause. Mais ses services s’arrêtent le 3/11/2015, bien avant la mise au point en réunion du 10 novembre. Il a tout loué en son nom propre, c’est évident que s’il avait eu la moindre intuition, il aurait refusé ; on a pas pu lui dire, « on va faire des attentats, aide nous, loue en ton nom ». Bakkali coopère, ne cache rien, on ne retrouve son ADN nulle part ailleurs que dans les voitures louées. Il est libre d’agir, avc Daesh on ne décide de rien on obéit. Et on ne dénonce pas non plus, les gens qui sont du bon côté du manche et qui vous disent avec une impeccable facilité, « dénoncez-les donc ! ». On a bien vu que pour Soraya Messaoudi (qui a balancé Abaoud dans son fourré), c’est compliqué, changement d’identité à vie, déplacement, protection… Monsieur Bakkali, c’est un radical, salafiste, mais pas haineux, il n’est jamais allé en Syrie, rien sur le djihad, rien de violent chez « …on ne peut pas le condamner comme un Bakraoui, on ne peut pas contenter le besoin de satisfaire le prix du sang, on s’épprête à condamner le logisticien, au risque d’oublier, que la première fonction de la justice, c’est de rester équitable. » (elle cite journal d’un bon allemand, pour expliquer qu’on pouvait être nazi malgré soi, par camaraderie.) Et elle conclut : « …complice d’actes préparatoires, ce n’est pas terroriste. Ne nous laissons pas aller à une condamnation émotionnelle, l’état de droit a fondu sous le choc, faites l’effort de ne pas vous laisser glisser » Maître Johnson revient sur le cloisonnement. (une notion qui explique, les cellules hermétiques de l’2tat islamique, celles où on ne laisse rien paraître on ne dit rien, sauf dans la panique, ce que nous verrons à la fin de la semaine) Il dit on s’en fout des experts, on veut l’analyse judiciaire seulement. Il explique que Bakkali n’a pas de casier, n’est pas violent et n’a rien à voir avec des terroristes. C’est ça le cloisonnement étanche, on ne laisse rien paraître, et on exclut d’office les « faibles ». Bakhraoui c’est un sauvage qui peut même tirer sur un passant, des flics, se faire exploser. Leurs liens tient au commerce de contrefaçon, et aux services rendus, auxquels on ne dit pas non. Il ne savait pas. Il a dit à propos des attentats, « c’est une abomination ».
Mercredi 22/6/22 Sofiane Ayari
Il est défendu par le brillant Maître Maalaoui : (qui a un petit accent du sud est) Il entame sa plaidoirie en expliquant, que ce jeune tunisien agé de 21 ans en 2011, s’engage contre Bachar, après avoir vu un père syrien tenant dans ses bras son jeune fils de 13 ans, torturé par la milice de Bachar. Il fait une description du corps torturé du gosse atroce, puis nous rappelle que la Syrie à cette époque c’est 70 000 morts, 200 000 disparus, un tiers des habitations démolies, la moitié de la population en exil ; Il dit alors que le jeune Ayari, touché par les images, s’engage à corps perdu dans les combattants contre Bachar et se retrouve dans les rangs de l’état islamique. Lui est ici, car militant de la cellule, envoyé par l’état islamique avec Krayem. Il a participé aux attentats de Forest, donc est déjà jugé en Belgique, d’où son droit au silence. N’était pas aux attentats de paris, ni de Zaventem, puisqu’il était en prison à ce moment là. Il demande d’allèger sa peine, vu qu’il en purge déjà une pour les attentats de Forest. « Il s’est mis à parler lorsque la maman d’une victime décédée lui a dit qu’elle avait besoin de comprendre comment d’aussi jeunes gens pouvaient se retrouver impliqués là-dedans. Il n’est pas le gourou de l’apocalypse, s’est réfugié dans le silence, se sachant condamné pour longtemps. » Il en profite aussi pour dire que « l’accusation n’a eu de cesse de rabaisser le débat au niveau de critique de l’islam, en s’acharnant sur des questions au sujet des habitudes en islam, des fast-food halal, de voiles, de la péridurale, des mosquées… On peut aussi remettre en cause ce point de l’enquête comme quoi, ils seraient tous interchangeables, et complices de tout, mais justement, non… » « Jusqu’à quand doit-on punir ? Parce que c’est la norme, parce quec’est ainsi, parce que c’est écrit, parce que c’est une association de malfaiteur, parce que vous avez mal pensé, bien fait ! On s’appuie sur l’absence, la frustration, se le désert probatoire, pour punir : les inexactitudes développées par le ministère public, la dichotomie existante entre avant l’infraction et l’infraction… » « La participation intentionnelle ou la complicité, (code pénal) doit présenter ces caractéristiques : Provocation de l’infraction, abus d’autorité, aide ou assistance à la préparation d’un crime, ce n’est pas la non-distance au crime , la neutralité qui doivent être condamnées, c’est la participation, l’intention consciente coupable… » (à ce stade, on se dit, bon allez, tout le monde dehors) Succède Maître Gultaslar qui fait une démonstration très géopolitique « En ce qui concerne mon client, il a été en Syrie, et on ne retrouve que très peu d’ADN dans une des caches où il a vécu, et en tous cas, pas sur les armes, ni les explosifs » Tolstoï dit « …plus le malheur est grand, plus nécessite fait loi ». Ce qui le rend complice, c’est un déplacement à Schipol en compagnie de Krayem, sans armes, sans explosifs…le sang ils ne l’ont pas sur les mains, ni leur conscience…depuis 2016, isolement, interrogatoires en Belgique avec musique à fond, il en a pour trente ans, « d’habitude les combattants de l’état islamique meurent en martyr, lui a refusé.. ; » et il glisse habilement qu’on s’énerve sur les salafistes, mais que les wahabites (arabie saoudite) s’y connaissent très bien en guerre (Yemen) et en executions… il trouve qu’Ayari « en tant que combattant, devrait être rapporté à un tribunal international, puisqu’il a agi en temps de guerre comme un guerrier. » Pourtant pour faire la guerre au terrorisme, il vaut mieux prévenir;en pacifiant la religion.
Jeudi 23/06/22 Mohamed Abrini il est magistralement défendu par Maître Violleau qui avec une colère contenue, présente la situation de son client : « …faire des choses de tous les jours, pour lui, c’est fini. Ce qui lui reste, c’est la dignité, la virilité.digne, car il essaie de garder des chemises propres, quand la prison lui en fournit, il se contient, quand on lui montre la tombe de son frère, il répond au mieux aux questions, depuis ce jour de 2016, où il est projeté au regard de tous. Il a gardé un comportement normal, au bout de 70 mois d’isolement et de prison QHS. « …Abrini, c’est le clair obscur, celui qui parle, mais trop peu, celui qui répond, mais s’arrête…il écrit des poêmes aussi, dans sa cellule, sans une faute, il connaît par coeur « l’homme épouvantable » qu’il écrit sans fautes sur un petit bour de papier. « …Abrini n’a jamais cessé de douter. La justice n’est pas une arme de guerre, ici, on résiste aux sentiments. « …Une enfance presque bien, mais il se définit lui même comme « échec au foot, échec à l’école, échec et mat »… il vit de cambriolages, pas violents, il s’arrange pour qu’il n’y ait personne, il partage volontiers son butin, pour rigoler avec les copains. C’est un bon copain, Puis lorsqu’il purge une peine de prison, il apprnd que son frère parti en Syrie, son frère préferé, celui qui partage sa chambre, est mort en Syrie. C’est le basculement. Pour juger, Mesdames, Messieurs de la cour, il faut comprendre. « …Il y part en sortant de prison, peu de temps après, et va voir Abaaoud (c’est son voisin de 20 ans), il est sur place, et il est le dernier à l’avoir vu. Ce dernier le missionne pour refiler de l’argent à des gens en Angleterre, des « amis », il y va. » « On lui reproche d’être allé au stade de Manchester, c’est un grand fan de foot, il y va en fan, pas en terroriste qui fait des repérages, c’est pas sa pauvre photo globale qui pourrait servir dans un attentat. » « …l’enquête présente des failles, au sujet des détonateurs qu’il aurait achetés dans un jardiland, le vendeur ne le reconnaît pas, c’est pas lui. « Au sujet des préparations des attentas, le 9/10 novembre, il dit lui même qu’il a vu Abaaoud. C’est Bakhraoui qui l’a emmené dans la cache, mais on y a jamais retrouvé la moindre trace d’ADN sur les armes, ni les explosifs. Des lignes téléphoniques surveillées, démontrent, qu’après la réunion, beaucoup d’agitation sur les lignes des principaux acteurs de l’état islamique… Le 12/11 il loue une voiture et va jusqu’à Bobigny, puis erre jusqu’au prochain train le lendemain…il n’ira pas se faire exploser le 13. « A cause du cloisonnement, il ne connaît pas les cibles, il est en Belgique, se fait oublier jusqu’an mars où depuis la Syrie on le motive à nouveau pour participer encore. Il doute encore, et, non Maître Makhtouf, ce n’est pas de la takya. Il a expliqué beaucoup de choses sans se justifier, on l’a moqué, (elle tacle Makhtouf qui est allée faire l’andouille à la télé « le chant des sirènes de la télévision ») Abrini est sage, pas de plaintes de lui en prison, il n’est pas violent, refuse peut être un peu tard, mais refuse.
« La perpétuité, c’est se prendre pour Dieu, éteindre l’espérance, ramener l’humanité au rang animal, on éteint pas la lumière des étoiles.
22 ans de sûreté c’est le néant, (et elle nous achève en nous décrivant l’isolement ): plus d’intimité du tout, œilleton, caméra, réveil à heure fixe, coups de poing des surveillants, hard-rock à fond comme à Guantanamo, l’isolement, c’est la honte de l’état. Un jour, ils l’ont changé de camion en transfert de Fresnes à Paris, il n’y avait plus de petit espace qui montre le dehors, la perpétuité, on appelle ça, la torture blanche. (aveugle, invisible).
Nous demandons une réduction de peine, et une adaptation en prison normale. Rappelons nous que l’état islamique a failli, car Abrini a toujours douté. Abrini a dit un jour, « si j’avais pu, j’aurais acheté la paix universelle ».
Je crois qu’il aurait encore des choses à dire… «
Je vous laisse digérer ceci, la semaine prochaine, fin du procès, je vous raconterai, le deuxième avocat d’Abrini, la défense d’Andeslam, et la toute fin.
Ensuite je ferai un article sur ce que je pense de tout ça.
Pour le moment l’image qui me revient en boucle, c’est Abrini, qui tend ses mains au policier qui va le remettre en cage, pendant qu’on sort sous le soleil.